Les multinationales, Internet et Gartner

J’ai commencé mon lundi matin par un meeting avec le team e-business d’une grande boîte. Objectif de la séance: présenter un "tracking tool" (Web Analytics Tool) capable d’offrir des KPI’S (Key Performance Indicators) à différents niveaux de l’entreprise afin d’améliorer la capacité de pilotage.

J’ai rencontré des interlocuteurs professionnels, pertinents dans leurs questions, qui semblent de plus avoir été séduits non seulement par l’outil proposé mais surtout par l’approche complète qu’IC-Agency est en mesure de leur proposer : Définition des KPI’S les plus appropriées, aide à l’implémentation de l’outil, formation à l’interne, rédaction de rapports pour le top management, etc.

Les projets de Web Analytics, surtout complexes, on adore ça.
On connaît plutôt bien ce sujet pour avoir aidé plusieurs grandes boîtes à améliorer l’efficacité de leurs processus de statistiques web, leur permettant ainsi de bénéficier des données indispensables à la conception d’une stratégie Internet digne de ce nom.Notre expérience acquise dans des secteurs variés nous permet également d’offrir différents précieux conseils, notamment sur les pièges à éviter lors de migration ou changement d’outils de statistiques.

En fin de séance, mes interlocuteurs m’expliquent – et je les en remercie – qu’il leur est difficile de choisir un outil technologique qui ne figure pas dans les premières places de l’étude réalisée par Gartner sur le sujet. Choix probablement trop risqué à l’interne, trop politique, je vous passe les autres détails que vous imaginerez aisément. Ils travaillent dans un système dont ils ne maîtrisent pas toutes les cartes, comme beaucoup. Bienvenue dans les multinationales 1.0

Il ne manquait plus que Gartner…

Le déploiement de projets transversaux engendre irrémédiablement de nombreux problèmes. Des parades existent mais c’est sans aucun doute au niveau du top management qu’elles doivent se décider. Je ne dis pas qu’un CEO doit mettre à main dans tel ou tel RFP, j’indique juste qu’il doit être capable de former des équipes, des « cross-functional team » capables d’avancer avec le bon sens et leurs compétences afin d’atteindre du mieux possible les objectifs fixés.

Oui, c’est important pour une grande entreprise que d’avoir des processus très clairs. Bien sûr qu’il faut qu’ils soient suivis et appliqués, mais dans une société qui évolue très vite il est également primordial d’être agile et capable d’évoluer très rapidement. C’est d’ailleurs la sémantique utilisée par le leader mondial du software « devenir agile ».

Mais sérieusement, est-ce un logiciel à lui seul qui peut rendre une entreprise agile ?

Avec l’avènement d’Internet et du Web 2.0, cette évolution sociétale s’accélère. Il n’est plus possible dans les métiers liés au e-business de passer 10 ans à réfléchir, même si cela fait peur et cela rappelle des mauvais souvenirs : oui certaines règles du jeu ont changé et il faut aller vite.

A l’ère 2006 2.0, il faut tester, analyser, benchmarker, adapter, recommencer.
C’est en forgeant que l’on devient forgeron, c’est en échouant – même si ce n’est pas un passage obligé – que l’on peut aussi apprendre à réussir.
Il est nécessaire de prendre des risques, de bien les calculer : c’est un passage obligé car il n’existe pas encore suffisamment de référentiel, de choses établies.

Bref, en gros il faut faire presque tout le contraire de ce que préconise Gartner & CO.
Je suis volontairement polémique :

Est-ce que si les grands cabinets d’étude maîtrisaient Internet, ils en seraient encore là où ils en sont ?

Entendez par là est-ce qu’ils offriraient à leurs clients des sites de piètre qualité ? Sans parler de la médiocrité de leurs processus e-commerce.
Regardez leurs sites et jugez par vous-même, il ne serait pas étonnant que les études de ces cabinets finissent par se vendre sur Amazon ou ailleurs.

La bulle spéculative reste présente dans de nombreux esprits, surtout chez de nombreux top managers qui sont (souvent) les mêmes en poste quelques années plus tard. Il serait toutefois judicieux qu’ils se souviennent que la bulle 1.0 était directement soutenue par ces mêmes sociétés d’étude et autres analystes, que c’étaient les premiers bénéficiaires de fonds levés et pas seulement par IBM & Co.

Marre d’entendre le Gartner Group "mettre en garde les entreprises européennes", tout comme de lire des abbérations du type «nous appellons à la plus grande prudence tant que le marché des portails demeure aussi fréquenté… »

En 2006, soyons pragmatiques et arrêtons de nous faire influencer bêtement.

Il faut rapidement appeler à la plus grande prudence quant au fait de suivre aveuglement les premières places des classements de Gartner & CO dans des choix technologiques et faire preuve de plus de discernement.

A bon entendeur

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5 Responses to Les multinationales, Internet et Gartner

  1. Tout à fait d'accord. Les bureaux à la Gartner me font penser parfois au monde académique. Ils sont tellement occupés avec leurs 'recherches' que finalement ils perdent de vue la réalité et l'histoire nous a démontré qu'ils prennent souvent leurs rêves pour réalités…
    En tant que CEO d'une Web Agency (OX2 basée à Bruxelles) je comprends le sentiment que vous pouvez éprouver parfois (j'imagine que le marché suisse ne doit pas être très différent du belge).
    C'est vrai que toute une partie des prospects que l'on rencontre tient à faire une étude comparative de tous les outils et souvent ils mettent près d'un an avant de se décider à lancer leur projet Web Analytics. Heureusement de plus en plus, des clients nous écoutent et ils comprennent que le plus important est le connaissance et la capacité à réfléchir aux objectifs business et KPIs et savoir interpréter les rapports.
    Actuellement, par exemple, un de nos clients met en balance 80% de son budget marketing offline et prendra sa décision en autres sur base du résultat mesuré par les Web Analytics.

  2. David Sadigh says:

    Vous mettez le doigt sur le vrai problème : intégrer les KPI'S issus des systèmes de Web Analytics (et autres) qui sont à disposition et les intégrer dans les tableaux de bord de ceux qui prennent les véritables décisions.

    Le problème de mon point de vue, c'est que l'intégration d'un Web Analytics reste quand même un processus qui nécessaire l'intervention IT.

    Votre blog a l'air très intéressant, je m'y abonne sans tarder.

  3. Absolument, l'IT est indispensable. Comme disait Eric Peterson, qui conseillait de faire des 'brown bag lunches' et disait très justement 'don't forget to invite IT'.

    De nos jours la technique est de plus en plus fiable et lorsqu'on dispose d'une équipe IT performante on peut réellement se concentrer sur le retour sur investissement. On ne peut pas toujours avancer aussi vite que 'lon voudrait mais je trouve que cette année le marché est beaucoup plus réceptif et les projets avancent plus rapidement.

    Votre blog est intéressant, bon boulot ;-)

  4. layani says:

    je ne prendrai pas le problème dans ce sens. Gartner représente un parapluie pour la plupart des managers.Il est important de se mettre à leur place qui est en général un siège éjectable. On ne pourra jamais rien leur reprocher si c'est Gartner qui avait préconisé une solution. Je parle surtout d'une situation d'échec. D'autre part, la notion de risque est plutôt en général personnel et non pour l'entreprise, en tout cas pour ma part je n'y crois pas beaucoup. dans mes divers postes, j'ai souvent été confronté à des recommandations de Gartner qui pour moi étaient totalement hors de propos. Je voyais par contre l'effet dévastateur sur la plupart des managers qui avait la possibilité parfaite d'avoir un mur de protection. Plus s'est gros, plus s'est cher et plus s'est Gartner.
    POur des produits innovants il est très difficile de se confronter à ces problèmes. d'autre part, plus l'outil est transversal plus les validations internes sont complexes plus le risque est grand et en général le choix se fait sur des solutions éprouvées et validées. Gartner s'est très souvent trompé comme la plupart des grands cabinets mais étrangement la plupart des grosses companies continuent à écouter leur recos.
    courage malgré tout le présent donne de plus en plus raison aux solutions innovantes et novatrices.

  5. David Sadigh says:

    Je suis entièrement d'accord avec toi et soyons clairs, mon post n'avait pas d'autre but que de souligner le rôle que je considère dépassé de ces cabinets. Des groupes de travail collaboratifs échangent sur Yahoo Groupes 10X plus d'informations pertinentes sur tel ou tel outil de e-marketing que l'analyste de Gartner sera capable d'en lire dans sa vie (surtout sur Cnet ou Zdnet…).

    Cependant, tu as mis le doigt sur le point clé : la sécurité que confère la prise de décision basée sur une étude de ce type.
    Oui, je pense également que l'essentiel du problème se situe là car dans des marchés ultra-concurrentiels, le fait de "suivre le troupeau" – à savoir les conseils prodigués par les cabinets -n'apportent que peu de valeur ajoutée.

    J'entends des top managers dire qu'ils veulent booster la capacité d'innovation de leur entreprises.

    Si c'est réellement le cas, ils devraient compter plus sur les talents de leurs collaborateurs et leurs esprits d'analyses et ne pas limiter les prises de décision au top 3 de M. Martin, analyste chez tel ou tel cabinet.

    La compétivité sur Internet se joue maintenant, et il m'est chaque jour plus évident que ce n'est pas les sociétés d'études qu'il faut écouter pour progresser. Et les premiers feedbacks reçus suite à mon post, dont le tien, aussi :-)